Mouvement pour I'Autodétermination
et I'Indépendance de I'Archipel
Canarien (MPAIAC)
MEMORANDUM
A
Mr. Davidson, Nicol, Président du Comité Spécial des Nations Unies chargé
d'étudier la situation en ce qui concerne 1'application de
Alger.
Monsieur le Président,
«Les Nations Unies
luttent pour 1'Autonomie et 1'Indépendance de tous les peuples et 1'abolition
de la discrimination raciale sans réserve d'aucune sorte. Elles ne peuvent se
permettre de transiger sur ces principes fondamentaux».
U Thant
Secrétaire Général des Nations
Unies.
«1). La sujétion des
peuples á une subjugation, á une domination et á une exploitation étrangère
constitue un déni des droits fondamentaux de 1'homme, est contraire á
2). Tous les peuples ont
le droít á la libre détermination; en vertu de ce
droit, i1s déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement
leur développement économique, social et culturel ».
Points 1° et 2°) de
Monsieur le Président,
J'ai 1'honneur de m'adresser á V.E. au
nom du Mouvement pour 1'Autodétermination et 1'Indépendance de 1'ArchipelCanarien (M.
P. A. I. A. C.) que je représente en tant que Secrétaire Général, en accord
avec les pouvoirs généraux qui m'ont été octroyés en septembre 1964, par les
points 4) et 5) de
La lecture de cette Résolution Finale
vous permettra de prendre connaissance de tout ce qui concerne notre
Organisation, sa création, son développement, son évolution et surtout vous
mettra au courant des aspirations d'Indépendance du peuple Canarien.
Par le point 5 de notre Résolution
Finale, notre Mouvement avait, dés le début, prévu la nécessité de poser le
problème Canarien devant 1'O.N.U. ; notre peuple est conscient du rôle
important que peut jouer 1'O.N.U. dans 1'aide aux mouvements vers
1'Indépendance, dans les territoires sous tutelle et dans les territoires non
autonomes.
Nous savons que les N.U. sont convaincus de
ce que le maintien du colonialisme empêche le développement de la coopération
économique internationale, entrave 1'évolution sociale des peuples dépendants
et va á 1'encontre de 1'idéal de paix universel des peuples du monde.
Nous sommes convaincus, comme vous et le
Comité que vous présidez, que tous les peuples ont le droit inaliénable á la
pleine liberté, á 1'exercice de leur souveraineté et á 1'intégrité de leur
territoire national. Nous avons étudié
Conscients de tout ce qui a été dit et
approuvé devant cette Assemblée des peuples, et convaincus du respect dú á toutes ses déclarations, nous avons décidé de nous
adresser á V.E. et á ce Comité, pour exposer notre situation et saisir
officiellement á travers vous, le Comité de
CONSIDERATIONS HISTORIQUES
L'Archipel africain des Canaries se
trouve situé dans 1'Atantique septentrional, entre
27° 44' et 29° 15' de latitude Nord et 13° 26' et 17" 53' de longitude
Ouest de méridienne de Greenwich. La distance á 1'Europe (Espagne) est de 1.074
kms. 580 milles marines ; la distance á la côte africaine est de 96 kms.
L'Archipel forme partie du Continent africain,il est
le plus proche de tous les archipels africains ; il est constitué par sept îles
les principales, Tenerife, Fuerteventura, Gran Canaria, Lanzarote,
Il est difficile de traiter des origines
des îles sans mentionner les fantastiques légendes de la mythologie ancienne et
les récits des historiens grecs et romains. Homère, Hérodote et Hésiode ont
parlé d'elles, des Iles des Fortunés et
de ses habitants ».
Les romains eurent des informations sur
les habitants les par les narrations de
Juba, roi de
ORIGINES ETNIQUES DU PEUPLE GUANCHE
Etant donné la distance réduite, 96 kms.
séparant 1'Archipel du continent africain, il n'est pas étonnant que le peuple guanche soit originaire d'Afrique. Des études récentes ont
mis en évidence 1'origine berbère de notre peuple dont le langage est une
branche des parlers Berbers de 1'Afrique du Nord. En
même temps leur provenance africaine et berbère est confirmée par leur musique,
leurs traditions, leur culture etc. Il y a de nombreuses études de philologie
ethnologie et archéologie qui appuient ces allégations. Nous vous en ferons
parvenir la bibliographie et quelques documents.
Certes, il n'est pas
difficile supposer que les divers courants migratoires qui arrivèrent á
1'Archipel Canarien, soient venus de 1'Afrique du Nord. L'écriture canarienne,
par exemple, se rapprochait des autres cultures d'Afrique du Nord, spécialement
du libyen car on employait les signes du tifinagh des
cultures libyens. Malheureusement, la criminelle conquête espagnole du XVé siècle et ensuite la longue période de colonisation
effacèrent beaucoup d'aspects de notre ancienne culture, aussi bien les
traditions que la religion, la langue, etc. Malgré ce génocide culturel espagnol,
quelques milliers de mots se sont conservés dans notre langage courant, ainsi
que des noms de villes, villages et lieux géographiques disséminés parmi notre
territoire. Le Professeur autrichien, Dominique Wolfel,
mort il y a cinq ans, qui a travaillé pendant trente ans sur les guanches, laissa aux chercheurs et aux linguistes le fruit
de son travail dans une oeuvre intitulé, « Monumenta Linguae Canariae
>> , dictionnaire Canario-Allemand où on
rassemble et analyse quelques 3.000 mots de notre langue africaine.
Nous vous ferons parvenir d'autres
travaux sur les moeurs, coutumes et croyances de nos
ancêtres ; tout ceci nous le faisons dans le but de vous informer sur les
origines de notre peuple africain et cela fait partie du combat culturel que
nous menons depuis des années contre les colonisateurs et occupants actuels de
notre Patrie. En effet, notre Organisation révolutionnaire, le M.P.A.I.A.C.,
est en train de mettre sur place les structures de lutte nécessaires pour
développer le combat contre les colonialistes espagnols sur les Fronts
Politique, Militaire, Socio-économique et Culturel et dans ce but nous faisons
ces publications.
Il faut signaler ici, Excellence, que
le Gouvernement de Madrid, poursuivant toujours le génocide culturel, héritier
des autres gouvernements impérialistes espagnols, essaye de convaincre les
gouvernements des N.U. que le peuple guanche a
disparu en tant qu'entité nationale. Bien súr, dans
le monde scientifique, jamais on n'avait pas accepté cette fausse théorie, car
il y a des milliers de travaux sur les guanches et
aujourd'hui tout le monde est d'accord sur la survivance du peuple Guanche dans
le peuple actuel des Canaries. Ainsi le démontrent les études récentes
effectués par 1'anthropologue anglaise,Ilse Schwidetzky (1963) et par 1'anthropologue espagnol Miguel Fusté qui, dans son rapport présenté au V Congrès
Panafricain de Préhistoire et d'Etude du Quaternaire qui a eu lieu á Sta. Cruz‑ de Tenerife
Canaries) en 1963, disait:
« OR, D'APRES LES OBSERVATIONS DE
Le texte est clair. Pour nous,
patriotes Canariens et pour notre Organisation le M.P.A.I.A.C. qui revendique
1'Indépendance de notre Patrie, la réalité historique et les travaux
scientifiques confirment, que la présence des Espagnols aux Canaries depuis la
fin du XV éme siècle, a pour origine un acte de conquête
militaire sur nos ancêtres qui habitaient 1'Archipel. Différentes études
apportent les preuves de 1'existence d'un peuple Canarien distinct des
Espagnols, et toujours sur place aujourd'hui, malgré les massacres qui eurent
lieu pendant les 150 ans de lutte des guanches contre
les envahisseurs. L'opposition á 1'Espagne se fait dans notre pays, non
seulement en raison des arguments fournis par 1'histoire mais aussi au nom des
différences ethniques, politiques, économiques, géographiques et culturelles,
qui font du peuple Canarien une unité propre, distincte des Espagnols. Ce n'est
qu’à partir de 1960 que les premiers nationalistes révolutionnaires forment le
noyau de notre Organisation, c'est le XIX siècle qui verra naître les premiers
journaux et les premiers patriotes Canariens en lutte pour 1'Indépendance, mais
avant d'y arriver je voudrais vous expliquer comment les Espagnols sont venus
aux Canaries.
PREMIERES ATTAQUES DES ESPAGNOLS
Au temps du roi Pedro IV d'Aragon, dans
1'année 1346, eu lieu une expédition de bateaux majorquins vers 1'île de Grande
Canarie. Lors du débarquement, les guanches
attaquèrent et firent prisonniers la presque totalité des assaillants. Ainsi
cette première expédition finit par un échec des espagnols.
La seconde armée qui parti de Cadix en
1'année 1385 était composée de cinq navires commandés par Hernan Peraza ; ce fut aussi un échec pour les espagnols quoíque ils réussirent un bref débarquement qui leur permit
de faire quelques prisonniers qu'íl vendirent , bien súr, comme esclaves. De même en 1393 la conquête échoua
mais quelques prisonniers furent amenés en esclavage sur le marché espagnol.
CONQUETE
En
Les guanches
furent obligés d'apprendre la langue des conquérants ; les phénomènes
postérieurs á la conquête furent semblables á ceux que 1'on peut observer dans
tous les pays conquis par les armes. Mais, malgré les guerres et la résistance
contre les espagnols, le peuple guanche survit á la
conquête quoique relégué dans les montagnes, les forêts et aux alentours des
villes. Peu á peu ils se mêlèrent en partie aux espagnols, mais le peuple et
ses caractères spécifiques se perpétuèrent, très vivaces, dans tout 1'Archipel.
EVOLUTION HISTORIQUE, ECONOMIQUE ET
POLITIQUE DE L'ARCHIPEL APRES
Après la conquête, commença pour le
peuple canarien une période d'exploitation et d'esclavage. Mais bientôt on
obtient la fin de 1'esclavage car les traités de paix signés entre guanches et espagnols, promettaient la liberté des
personnes et le droit á la propriété. Après la découverte et colonisation de
1'Amérique, diverses innovations agricoles (tabac, pommes de terre, maiz, canne á sucre) trouvèrent une résonance dans
1'économie agricole de la population guanche, qui, au
bout d'un siècle était intégré dans le circuit économique ainsi créé. Certains
privilèges concédés aux anciens chefs guanches,
résultants des compromis conclus par les conquérants, pressés pour terminer la
conquête par suite de la découverte de 1'Amérique, leur permettaient de
conserver une partie de la terre et de leurs troupeaux. Ce fut le point de
départ qui permit au peuple guanche de s'intégrer á
1'evolurión économique voulue par 1'histoire. Les
implantations de '':i cuit ure de la canne á sucre, du tabac et de la vigne
firent de notre archipel aux XVI et XVII siècles un centre de richesse dont ne
profitèrent pas seulement les espagnols mais aussi les guanches.
La découverte de 1'Amérique fut la
cause d'un allégement de 1'exploitation des habitants des Canaries ; les
trésors et les découvertes américaines attiraient plus d'attention. On vit
partir plusieurs familles de conquérants espagnols installées sur notre Patrie.
Peu á peu notre peuplé‑ récupéra certaines
terres et s'attacha á 1'obtention des moyens de production. A la fin du XVII il
y a un boom économique á cause de nos
vins ce qui va maintenir 1'équilibre économique de 1'archipel pendant quelque
temps. A cette époque il existait déjà des couches sociales aisées
authentiquement canariennes et possédant des moyens économiques suffisants pour
affronter la puissance coloniale. Cependant, au début du‑
XVIII siècle il a eu une longue période de décadence économique et de misère,
du notamment á la crise du vin, et á la régression des cultures
traditionnelles, á cause du déplacement du centre de ces cultures vers
1'Amérique. Une forte émigration de Canariens vers ce continent envoya quelques
capitaux vers nos îles, ce qui renforça certaines couches sociales du peuple
qui rapidement se trouvèrent en contradiction d'intérêts avec les colons
espagnols et avec la métropole.
Au début du XIX siècle, sous 1'influence
des idées de
Cependant le peuple canarien n'avait pas
encore la force nécesaíre pour mener une lutte pour
1'indépendance contrairement á ce qui fut le cas en Amérique. En 1834, Manuel Ossuna y Savinon publia une oeuvre historique intitulée, « Les guanches
ou la destruction des monarchies de Tenerife », oú il
écrivait déjà, á cette époque : «Lorsque les stupides et furibonds guerriers
des XV et XVI éme siècles retournèrent de leurs
pieuses croisades, agités par 1'esprit de fanatisme et de conquête, les portes
du « Non plus Ultra » furent oúvertes et ils
pénétrèrent dans 1'occident. Es se lancèrent anxieux sur les Canaries et
l'Amérique. ici et là, partout, ces fiers conquérants considérèrent leurs
habitants comme des esclaves. L'historien canarien Viera
y Clavijo nous dit, que 1'état de nos ancêtres
insulaires est arrivé á tel point de bassesse, qu'en Espagne, pour entrer dans
les Universités on demandait dans leurs règlements de savoir si les élèves
descendaient des guanches ». Le journal « El Guanche
» en 1858 écrivait aussi au sujet de 1'arrivée des espagnols aux Canaries : »
Des inconnus couverts de fer et brandissant de luisantes armes, inondèrent nos
plages avec grand bruit de tambours et trompettes. Hélas ! c'étaient des gens
assoiffés de sang et de gloire qui venaient apporter aux Guanches dans les
pointes de leurs épées, des habitudes et une civilisation dont ils n'avaient
pas besoin ».
En 1827, essaie de surgir en
Tenerife en premier mouvement pour l´indépendance mais il a échoué. En 1852 fut un moment crucial des
contradictions économiques et des aspirations séparatistes. L'Espagne, devant
la tension due á la misère régnant parmi la population et devant les risques de
complication de guerre coloniale qui venait s'ajouter á ceux existants á
1'époque á Cuba, concéda á 1'Archipel le statut de Port Franc, le 11 ‑ 7 ‑
1852, sous le règne d'Isabelle II. Cette mesure contribua beaucoup á donner au
peuple canarien la possibilité de développer son économie. Cela fut une grande
conquête dans la lutte du peuple guanche vers
1'obtention de son indépendance économique, qui, malheureusement lui sera
enlevé á partir de 1936 par le régime franquiste. Quoique nous soyons un peuple
colonisé, le travail constant et les luttes revendicatives de notre population
au cours des siècles avaient porté notre évolution économique, sociale et
culturelle á une degré très avancé.
A cette époque déjà on peut
considérer que les guanches et les descendants des
colons espagnols et d'autres nationalítés, s'étaient
intégrés formant un seul corps, en ce que 1'on appelle aujourd'hui, le peuple
canarien. Cette union résultait surtout de 1'alliance des intérêts économiques
et politiques, en contradiction avec la métropole. Il ne tarda pas á se
vérifier que 1'octroi des Ports Francs, ‑ première liberté accordée ‑,
était insuffisante : elle se trouvait aux prises avec des organisations
internes dépassées, qui freinaient toute tentative de transformation des
statuts administratifs. C'est vers 1909 que la lutte politique se fit plus
dure, donna lieu á des manifestations séparatistes, qui aboutirent á
1'occupation de la ville de
La période 1959 ‑ 60 fut celle
de 1'organisation, de la structuration et du regroupement de tous les éléments
nationalistes et révolutionnaires. Le peuple canarien qui au cours de prés de
cinq siècles de revendications s'était forgé une force et une conscience
propre, voulait obtenir une fois pour toutes, sa liberté et son indépendance,
contr6ler ses richesses naturelles et ses moyens de production, pour éliminer
la misère et établir une justice sociale réelle. L'influence de la déclaration
des N.U. sur le juste et légitime droit qu'ont tous les peuples á la libre
autodétermination et á 1'indépendance ,ainsi que les répercussion des luttes de
libération des peuples d'Afrique, spécialement la guerre d'Algérie, eurent une
grande influence sur notre population. L'heure de la libération de 1'Afrique
avait sonné ; malheureusement nous sommes un Archipel oú
la lutte armée est tris difficile ; de plus, la permanence de 1'Espagne dans
notre patrie depuis quatre siècles semble légaliser devant les gouvernements
étrangers, son droit illégal de conquête et aujourd'hui parfois on met en
doute, le fait que les Canaries soient ou non une partie de 1'Afrique, á tel
point est arrivée la mystification coloniale.
Les Canariens éprouvent un grand respect
pour les príncipes universels de cœxistence
entre les peuples ; les droits de 1'homme ainsi que les principes de
Cependant ce droit illégal que possède
1'Espagne pourrait être dénoncé par une dédramatiser de votre Comité, ce
donnerait une grande force morale á notre peuple pour développer á un plus haut
degré, une lutte de libération nationale sachant ainsi que son droit á
1'Autodétermination ne pourra jamais être nié par personne, puisque les N.U.
1'ont défini. Sur les plans sociaux, culturels et économiques, notre peuple se
trouve préparé pour accéder á 1'Indépendance. Le contrôle d'une partie de notre
économie et notre travail productif continuel pendant des siècles de
domination, nous ont aidés á obtenir ‑ malgré les espagnols ‑, la
préparation nécessaire pour prendre un jour la direction du gouvernement de
notre pays. Le gouvernement colonialiste espagnol ne pourra jamais alléguer le
manque de préparation du peuple. Votre Comité pourra nommer une Commission
Spéciale d'Enquête pour examiner la situation actuelle du pays, son degré
d'évolution culturelle et technique dans tous les domaines et ses conditions de
« viabilité économique et politique > .
FORMATION ET
ORGANISATION DU M.P.A.I.A.C.
Notre Mouvement révolutionnaire a
traversé diverses étapes dans sa période de formation á cause des conditions de
lutte difficiles imposées par la clandestinité. En 1960 les facteurs dominante
á cette époque, donnèrent comme conséquence que les divers courant
nationalistes existants dans 1'Archipel, s'unirent dans la lutte et créèrent un
organisme nommé le Mouvement Autonomiste Canarien (M.A.C.) qui se distinguait
par le mot d'ordre : « Vive les Canaries Libres ».
Entre 1960 et mars 1962 plusieurs
manifestations de masses se succédèrent dans les ¡les dirigées par les membres
du MAC, les plus importantes furent celles de mai 1961 et janvier 1962 á
Tenerife. Du 20 au 24 mars 1962, une grande manifestation paysanne paralysa la
ville de Santa Cruz de Tenerife, le 25, divers incidents se produisent á Las
Palmas au cours d'un match de football. Ensuite, plus de 15.000 personnes parcoura la ville de Las Palmas aux cris de « Vive Canaries
Libre » et « Les Espagnols dehors ». La police et 1'Armée furent impuissantes á
arrêter cette manifestation. Quelques jours après, onze dirigeants du MAC sont
arrêtés á las Palmas et á Ténériffe. Le 28 mars, ils sont déférés devant un
Conseil de guerre exceptionnel qui les condamne á de lourdes peines de prison.
J'avais été arrêté le 24 mars 1962 á Tenerife pendant la manifestation
paysanne, mais quelques mois plus tard je pus m'enfuir á 1'étranger, obéissant
aux ordres de 1'Organisation afin d'essayer de réorganiser le Mouvement.
En 1963, s'est en partie réorganisé et
a établi le Secrétariat Général á 1'étranger. Le Comité Directeur de
1'intérieur décida d'établir le siége du Mouvement en
Algérie, pays né d'une révolution qui avait étonné le monde entier. En
septembre 1964 vu la situation du pays, le refus continuel des autorités
colonialistes espagnoles de concéder aux Canaries son droit á
1'Autodétermination et, vu la répression organisée á partir de 1962 contre le
courant patriotique de notre peuple, le Comité Directeur du MAC ainsi que
d'autres groupes révolutionnaires représentatifs de 1'Archipel, décida
d'adopter
« Modifier le nom du MAC
et s'intégrer avec les autres groupes révolutionnaires dans le Mouvement pour
1'Autodétermination et 1'Indépendance de 1'Archipel Canarien ».
Ce Mouvement
nationaliste révolutionnaire luttera de toutes ses forces en employant tous les
moyens :
‑ Pour obtenir le
droit légitime, juste á la libre autodétermination et á 1'Indépendance,
‑‑ Pour
établir á 1'avenir dans 1'Archipel africain des Iles Canaries une République
Socialiste, Démocratique, capable de représenter et de manifester devant les
autres peuples africains et du monde, les véritables aspirations
révolutionnaires et socialistes du peuple canarien. »
Ainsi commença le
MPAIAC.
Sur le plan diplomatique
et international, nous avons placé le problème Canarien devant toute 1'opinion
progressiste mondiale.
Le 20 ‑ 7 ‑
1968 á Alger, Le Comité des Onze, au VI éme Sommet de
1'OUA, dans la réunion consacrée á 1'examen de la question relative aux
Canaries décida :
«LES ILES CANARIES SONT
PARTIE INTEGRANTE DE L'AFRIQUE. ELLES NE CONSTITUENT PAS UNE PARTIE INTEGRANTE
DE L'ESPAGNE. NOUS DESIRONS DECLARER ICI QUE LE PEUPLE DES ILES CANARIES A
DROIT A L'AUTODETERMINATION COMME TOUS LES AUTRES TERRITOIRES ENCORE SOUS
DOMINATION COLONIALISTE. ET A PARTIR D'AUJOURD'HUI, LES DISPOSITIONS SERONT
PRISES POUR TROUVER LES VOIES ET LES MOYENS DE VENIR EN AIDE A NOS FRERES ET
SCEURS DES ILES CANARIES».
La reconnaissance de ce fait par
1'OUA á Alger en 1968 n'est pas seulement une donnée nouvelle dans le terrain
politique international, il signifie surtout que notre Patrie a retrouvé dans
la nouvelle Afrique la fraternité dont nous avions besoin pour passer á un
stade nouveau de notre lutte.
MOUVEMENT D'UNITE
NATIONALE
Devant 1'expérience
d'autres luttes nationales nous avons essayé d'obtenir dés le début 1'Unité
nationale, car nous croyons que
1) L'unité est
primordiale pour mener victorieusement une longue et dure lutte de libération.
2) L'unité réelle
s'obtient lorsqu'une organisation est fermement décidée á lutter jusqu'au bout
et prépare la lutte sur tous les terrains y compris celui de la lutte armée,
aspire á obtenir une véritable indépendance politique et économique, libre de
toute influence colonialiste ou néo‑colonialiste.
3) L'unité nous la
faisons en rassemblant toutes les forces patriotiques sortant de différentes
couches de la population et en les intégrant dans un Large Front Uni de
Libération Nationale.
A 1'heure actuel notre
peuple se trouve en conditions de dépasser 1'étape actuel de notre lutte, mais
nous voudrions avant tout, que les peuples du monde et les N.U. recozaissent nos droits légitimes. Notre Organisation est
disposé á épuiser toutes les voies possibles préconisées par la procédure des
N.U. et du Comité des 24, mais si nous ne réussissions pas par cette voie nous
serons contraints de faire valoir nos droits par nos propres moyens y compris
1'usage des armes. Nous signalons ici, M. le Président, que notre Organisation
avait déjà présenté un autre Mémorandum au Comité des 24 le mois de juin 1966
sans que jusqu présent votre Comité soit saisi du
problème des Canaries.
Nous sommes convaincus
de nos droits mais nous voulons convaincre les autres peuples de ce que nos
aspirations et notre lutte est légale et que ce qui est illégal c'est 1'accupation colonialiste espagnole.
Par
ASPIRATIONS DE NOTRE PEUPLE
ET BASES GENERALES DE NOTRE ORGANISATION
1). ‑ Faire de
1'Archipel Canarien une République africaine, indépendante politiquement et
économiquement faisant partie de 1'OUA et de 1'ONU.
2). ‑ Etablir un
système sociale afin de développer notre économie au maximum suivant un esprit
d'équité sociale, en tenant compte de
nos particularités nationales.
3 ). ‑ Obtenir une
véritable indépendance, c'est á dire, se garder de toute influence venant aussi
de la métropole ancienne que de tout autre aire ou bloc étranger.
4). ‑ Fonder notre
économie sur le travail de notre peuple et dans 1'exploitation des richesses et
moyens de production de notre pays et non sur 1'aide étrangère.
5). ‑ Accroître et
développer au maximum notre industrie. Nationaliser la grande industrie
étrangère au bénéfice de 1'indépendance économique du pays et créer de
nouvelles entreprises en vue d'éviter 1'émigration canarienne par la création
de quelques milliers de nouveaux postes d'emploi. Développer au maximum
1'industrie touristique au bénéfice de notre propre peuple.
6). ‑
Nationalisation des eaux, élément déterminant de toute notre économie agricole
pour mettre fin á la spéculation honteuse de 1'eau qui ruine les paysans ;
réforme agraire, limitation de la grande propriété, confiscation des terres non
cultivées et distribution aux petit paysans sans terre. Transformation des structures
agricoles par la mécanisation et par le développement c1e tous les systèmes de
coopératives en vue d'améliorer la qualité et la quantité de nos produits
agricoles ; rationaliser la production, et la commercialisation afin d'élargir
nos marchés á 1'étrangers et nous émanciper du marché espagnol.
7). ‑ Organisation
d'un circuit de Crédit agricole pour permettre aux paysans de mettre leurs
terres en exploitation de manière moderne et rationnelle. Elever le niveau
technique des zones rurales ; promouvoir la formation professionnelle des
paysans. Collaboration avec
8). ‑
Planification de 1'économie nationale, seul moyen d'augmenter harmonieusement
la production dans des délais rapides afin d'élever le niveau de vie de notre
population et plus spécialement celui de la population rurale.
9). ‑
Alphabétisation totale du pays.
10). Modernisation de
nos ports, points stratégiques du commerce mondial et collaboration technique
avec 1'IMCO.
11). ‑
Collaboration avec 1'ONU et ses divers organismes techniques ; développer de
bonnes relations avec tous les pays du monde épris de paix.
12). ‑ Garantir á
tous les habitants de 1'Archipel les libertés et les Droits reconnus dans
Voilà les lignes générales de notre
Programme ; pour les mettre en pratique il nous faut obtenir le droit á
1'Autodétermination et á 1'Indépendance politique et économique. Nous croyons
que nos aspirations sont légitimes et justes et que nul, sauf 1'Espagne, ne s'y
opposera. Mettre en pratique la façon de réaliser ces aspirations c'est le r61e
de notre Organisation de lutte. Mais comme nous sommes un peuple respectueux du
droit international, nous voulons suivre et épuiser les voies légales et
internationales établies.
Les Nations Unies sont
aujourd'hui le Tribunal des Nations.
Ce tribunal se constitua
á la fin de la guerre la plus horrible de 1'histoire de 1'Humanité où 1'on
bafoua le droit, le respect de la personne humaine et sa dignité. Vous êtes
chargé depuis 1945 de définir le droit des peuples et de les faire respecter
malgré qu'il existent des pays comme le Portugal, Israél,
Afrique du Sud, USA et 1'Espagne qui refusent vos recommandations.
Nous nous adressons á ce
Tribunal et particulièrement á son Comité de Décolonisation, afin qu'il
définisse, suivant les textes légaux cités plus loin, notre droit á être
déclarés TERRITOIRE NON AUTONOME avec plein droit á la libre Autodétermination
et á 1'Indépendance en tant que peuple et nation.
Textes de Référence
A. ‑ 1). Art. 1
2). Art. 2, n° 4 du
Chapitre 1
3). Art. 11 du Chapitre
IV
4). Art. 73 du Chapitre
XI
Articles et Chapitres de
B. ‑ Texte 1514 de
C. ‑
Nous basant sur les
textes légaux précédemment cités et au nom de notre Organisation, le MPAIAC, avant‑garde du peuple Canarien,
1°) Nous SUPPLIONS V.E.
de bien vouloir tenir pour formulé cette demande officielle de DECLARATION DE
TERRITOIRE NON AUTONOME en ce qui concerne 1'Archipel Canarien, territoíre soumis au colonialisme espagnol depuis 1497 date
de la fin de la conquête de notre Archipel et de son rattachement forcé á
1'Espagne. Nous sollicitons que notre demande soit attentivement examinée, que
1'Archipel Canarien soit considéré comme TERRITOIRE NON AUTONOME et soit
inscrit á 1'ordre du jour de la prochaine réunion du Comité des 24 et que cette
demande soit distribuée comme document officiel parmi les membres de votre
Comité et copie d'elle envoyée au Secrétariat Général des Nations Unies.
2°) Nous SOLLICITONS de
votre Comité et de son Secrétariat, qu'il ouvre le dossier de 1'ARCHIPEL
CANARIEN afin que les renseignements nécessaires soient recueillis auprès de
notre Organisation, auprès de 1'OUA et de son Comité des Onze et aussi auprès
de la population des Canaries. Quant aux documenta provenant de la puissance
coloniale ceux‑ci sont sujets á caution de
notre part et nous souhaitons pouvoir en faire librement la critique. Nous
Sollicitons aussi que soit créé une Commission Spéciale d'Enquête et de visite
pour être envoyée sur place dans laquelle nous pourrions assister.
3°) Nous SOLLICITONS de
votre Comité qu'une fois reconnu notre statut de Territoire Non Autonome et
déclaré notre droit juste et légitime á 1'Indépendance, que soit fixé en commun
accord avec notre Organisation le délai que votre Comité ainsi que 1'Assemblée
Générale établiront quant á la date de notre prochaine Indépendance. Nous
Sollicitons également que soit établie, en commun accord avec nous, la manière
par laquelle sera mis en place un régime de droit préalable aux élections
générales qui doivent précéder la déclaration de 1'Indépendance.
Ce régime devra être
établie de telle manière qu'il empêche les manoeuvres
de .la puissance colonisatrice qui tentera de maintenir sa domination et son
exploitation par tous les moyens.
4°) Nous SOLLICITONS que
tant que durera la procédure il nous soit accordé le Droit de Réplique et de
Contre Réplique á toutes les allégations que pourra faire la puissance qui nous
colonise.
5°) Nous SOLLICITONS,
étant donné que les Canaries constituent un pays africain et tenant compte que
les N.U. reconnaissent 1'OUA comme Organisme régional supranational (Art. 52),
que ce Comité Spécial invite un observateur du Comité des Onze de 1'OUA, en
1'occurrence 1'Algérie, pour défendre et pour préserver nos droits ainsi que
les principes contenus dans
Excellence, devant les
dispositions légales précitées, ainsi que les différents arguments mentionnés
et en tenant compte de cette Demande ainsi que des SUPPLIQUES cités et des
informations et documents ci‑joints, et ceux
que nous vous ferons parvenir nous vous prions de bien vouloir recevoir et
prendre en considération notre Demande et d'ouvrir le Dossier correspondant
pour que dans les délais les plus courts le cas de 1'Archipel Canarien soit
examiné, que sa situation soit étudiée et qu'il soit déclaré TERRITOIRE NON
AUTONOME soumis au Colonialisme Espagnol ;
Que l'on définisse son
droit á la libre Autodétermination et á 1'Indépendance et que soit recommandée
aux N.U. et á 1'Assemblée Générale, son accession á 1'Indépendance, selon les
manières exposées par nous dans les Suppliques précédentes.
Comptant sur 1'esprit et
la lettre de
En espérant que cette
Demande et Mémorandum sera prise en considération je prie V.E. et le Comité
qu'elle préside de bien vouloir agréer 1'expression de notre profond respect.
Fait á Alger le
25 mai 1970
Signé : Antonio Cubillo Ferreira
Secrétaire
Général du M.P.A.I.A.C.